Essai Kawasaki 900 Z1 1973, Agoramoto.com – mars 2014

Article parut le 28 Mars 2014 sur http://www.agoramoto.com

 

La mère des Z

La Kawasaki 900 Z1 fut, en son temps, la plus prestigieuse moto de route. C’était il y a plus de quarante ans, et nous avons eu le privilège de prendre en main cette vénérable icône, aux lignes encore terriblement aguicheuses.

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1972, c’est l’une des années les plus sombres pour les victimes de la route, avec plus de 16 600 morts sur les routes françaises (3 250 en 2013). La sécurité routière n’était pas vraiment ce qu’elle est aujourd’hui, les ceintures de sécurité n’étaient pas encore si répandues, les airbags étaient inexistants et les limitations de vitesse étaient encore expérimentales en France, hors agglomération du moins (c’est en 1973 qu’elles ont été imposées à l’ensemble du territoire, après cette année catastrophique). Quant au choc pétrolier, il couvait, mais n’était pas encore à son apogée. C’est dans ce contexte assez ambigu, entre prise de conscience énergétique et volonté de réduire la mortalité sur nos routes, que Kawasaki lance ni plus ni moins que la moto routière la plus performante de son temps, la 900 Z1 !

Graine de superbike

Pour comprendre la genèse de la 900 Z1, il faut remonter trois ans en arrière. En 1969, c’est Honda qui dévoile la CB 750 Four. Un raz de marée, qui redéfinit les valeurs d’une moto « moderne ». Intolérable pour l’usine d’Akashi, qui prépare donc une rivale meilleure dans tous les domaines. Trois ans plus tard, la 900 Z1 pointe ses quatre échappements et devient la moto la plus efficace du moment. 67 chevaux pour le quatre-cylindres simple arbre à came en tête de la CB 750 ? La 900 Z1 en propose 82, avec un double arbre à cames en tête… 190 km/h en pointe pour la Honda ? La Kawasaki se targue d’accrocher les 200 km/h ! Une fourche de 35 mm chez la Honda ? 36 chez la Kawa… Un tambour de 190 mm derrière ? 200 sur la Kawa.

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La 900 Z1 était la moto la plus performante de son époque.

Elle a de beaux restes !

Et tout est à l’avenant ! Bref, la 900 Z1 est LA moto à avoir dans son garage pour s’afficher.

Même notre Johnny national en acquerra une ! Un peu comme Depardieu quelques années plus tard avec la Vmax pour Yamaha. De quoi trouver le succès ? Oui, et non, car la quatre-pattes Honda a eu quatre années pour faire son trou, et la Kawa est chère : 14 500 F en 1972, c’est 13 700 € en 2014. Une somme, que tous ne peuvent débourser. Mais les premières Z1 ont quelque chose d’iconique. La pureté des lignes et les coloris typiquement seventies y sont pour quelque chose. Le candy à paillettes ça a quand même une autre allure que nos tristes coloris noirs, blancs ou gris d’aujourd’hui. A quand un revival sur des motos modernes, avec des décos qui pètent ? On attend toujours… L’image de la 900 Z1 est telle que Kawasaki l’exploitera des années plus tard avec les Zephyr, puis le lancement de la Z 1000 en 2003. Qu’en reste-t-il aujourd’hui ?

Quarante ans de modernité

Didier Kaluza nous accueille avec deux modèles, une brun et orange de 1972 et une vert et jaune de 1973, tout juste sortie de restauration, paillettes et chromes brillant de mille feux. Moteur remonté trois jours avant et remise en route le matin même, la belle affiche tout juste 17 kilomètres ! La 1972 annonce 45 000 km soit à peine plus d’un millier par an. Pour le démarrage, Kawasaki avait opté pour un démarreur électrique, même si le kick est toujours présent. Nous ne nous échinerons pas à kicker, même si c’est de plus en plus tendance dans les quartiers chics de la capitale, et les deux quatre-cylindres s’ébrouent d’une simple pression sur le démarreur, à la sonorité inimitable. Un chuintement que la plupart des démarreurs de l’époque possédaient, très différent des motos d’aujourd’hui. Ambiance, ambiance…

On laisse tranquillement les moteurs chauffer avec un peu de starter, avant de s’élancer pour une petite virée parisienne, afin d’aller faire les photos. Sous le soleil du printemps, on ne se lasse pas d’admirer les chromes de nos deux divas, sous les regards amusés des promeneurs. Il faut dire que nos deux « mamies » attirent l’attention, ayant aujourd’hui totalement disparu de la circulation quotidienne. Alors en voir deux, c’est un événement. Les lignes, les coloris, les quatre échappements : tous ces éléments ramènent dans les 70's. Au guidon, le premier étonnement vient de la docilité de la mécanique.

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Avouez qu’il y a pire postérieur non ? Ce petit feu rond, ces quatre échappements…

Malgré une conception vieille de 40 ans, la mécanique est aussi souple que celle d’un Z 1000 moderne sur ces modèles restaurés. Incroyable tant que l’on a pas essayé ! Le moteur ronronne gentiment, laissant parfois s’échapper quelques détonations dans les quatre pots, tandis que les cinq rapports passent comme dans du beurre. La seconde source d’étonnement vient de la position de conduite. Assis confortablement, le séant posé sur une selle au moelleux sans pareil dans la production actuelle, on est un peu dérouté par les commandes au pied, situées assez haut. Cela oblige à lever un peu la cheville lorsque vient le moment de freiner. Euh ; freiner, freiner… Ah oui ! Freiner : synonyme, anticiper pour ne pas finir dans l’obstacle ! Le simple disque avant, si grand soit-il, n’est pincé que par un étrier simple piston qui fait ce qu’il peut. Il conviendra donc d’anticiper plus que de raison dans la jungle urbaine, et de se rabattre sur le tambour, un peu plus efficace.

Le modèle 1973 équipé du double disque optionnel (avec pistes ventilées s’il vous plaît !), freine un poil mieux, mais on est loin d’un système moderne. Rien de catastrophique non plus, mais les habitués du « radial-douze-pistons-qui-fait-des-stoppies » seront déroutés. De toutes façons, si les chiffres d’accélération et de vitesse maximale étaient l’argument de vente de l’époque, ce n’est plus la première préoccupation aujourd’hui au guidon de telles machines. Toutefois, le trajet retour effectué sur une portion d’autoroute urbaine mettra en avant les performances de la mécanique. 82 chevaux, même aujourd’hui c’est loin d’être ridicule, et le quatre-cylindres possède un couple confortable. Accompagné par une partie-cycle simple mais efficace, on s’imagine sans peine pouvoir profiter de la belle sur tous types de routes.

La Z1 de Wall Street

Oui, on peut rouler aujourd’hui en 900 Z1, a condition d’être très ami avec son banquier ou de vouloir faire un placement financier (ou les deux) ! Car le modèle 1973 qui illustre cet article vient de se vendre 19 000 € ! Il y a trois ans, la même moto se serait vendue 14 000 €… Et la demande étant supérieure à l’offre, la cote ne cesse de grimper. La 900 Z1 est une moto plus rare que sa grande rivale Honda, ce qui explique peut-être en partie la raréfaction du modèle. Seuls 4 500 modèles ont été produits en 1972 (tous brun/orange), suivis par 15 000 motos en 1973 (brun/orange, puis vert/jaune également en cours d’année). Rien à voir avec les centaines de milliers d’exemplaires produits de la CB Four… La Kawasaki est donc une denrée rare, et chère.

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Le comportement routier étonne pour une machine de quarante ans. Seul le freinage date la moto.

S’il reste quelques exemplaires non restaurés, disponibles aux alentours des 5 000 €, la plupart des motos désormais disponibles a déjà fait l’objet d’une restauration, avec des tarifs en rapport (de 17 500 à 19 000 € pour les deux premiers millésimes, plus recherchés). Quant au pièces détachées, tout ou presque se trouve. Si les pièces d’origine sont désormais rarissimes, les refabrications ne manquent pas. Gaffe alors à trouver du matos de qualité, car tout existe. Didier se fournit principalement au Japon. Des exemples de prix ? Un tableau de bord neuf d’époque se vend 1 500 €. Les quatre échappements ? Inestimable en neuf d’époque, si tant est que cela puisse se trouver un jour. Des rééditions de qualité existent, mais il faut aussi y mettre le prix. Si vous êtes tentés, n’hésitez pas : ce sera plus cher demain ! Et puis une icône, ça n’a pas de prix…

 

BILAN

Rhaaaaa… Pourquoi faut-il les rendre ? Au terme d’une prise en main trop courte, on a qu’une seule envie, en avoir une dans son garage. La Z est belle, performante et fiable. Je craquerai bien volontiers. Mais mon banquier veut pas… La 900 Z1 était une superbike il y a quarante ans, et c’est toujours une super moto aujourd’hui ! Vraiment.

FICHE EXPRESS
KAWASAKI 900Z1
1972
KAWASAKI 900Z1
1973
82 ch à 8 500 tr/mn 82 ch à 8 500 tr/mn
7,5 mkg à 7 000 tr/mn 7,5 mkg à 7 000 tr/mn
 252 kg tous pleins faits  252 kg tous pleins faits
 IRC Grand Highspeed GS avant et Dunlop Roadmaster arrière  Bridgestone BT45 avant et BT020 arrière, monté sur une jante large
 45 000 km  17 km
Une petite virée de 20 bornes dans la capitale, histoire de prendre en main ces deux 900 Z1. La 1973 était en rodage après restauration complète, la 1972 sortait de six mois d'hivernage. Bref, un dégourdissage de bielles sous un grand soleil !
7,5 l/100 km environ 7,5 l/100 km environ
14 500 F en 1972 (soit 13 700 € de 2014) n.c.
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COTE

de 5 000€ à 19 000€ selon état

- Le look à se damner
- Les performances encore à peu près modernes
- La sonorité des quatre échappements
- La fiabilité métronomique !
- La cote plus que soutenue
- Le freinage, d’époque…
- La rendre